Publié le 16/05/2011 à 06h00 - Sud Ouest
Par Jefferson Despprt - Photo Loïc Dequier Les avocats du ressort de Dax ont choisi d'appliquer la nouvelle loi, même s'ils risquent de devoir se réorganiser. Explication de Philippe Lalanne.
Philippe Lalanne, le bâtonnier de Dax, estime que si la réforme de la garde à vue n'est pas parfaite, un retour en arrière serait pire.
Depuis le 15 avril, l'ensemble des avocats doit faire avec une nouvelle loi : celle de la garde à vue. Une réforme que Philippe Lalanne, le bâtonnier du barreau de Dax, a choisi de faire appliquer. Et ce même si tout est loin d'être parfait dans cette affaire. « Cette réforme a été appelée de ses voeux par la profession, rappelle-t-il.
Car, historiquement, elle a toujours oeuvré pour la défense des libertés fondamentales et le respect des droits des prévenus mais aussi des victimes. »
Des droits qui, selon les avocats, se trouvaient plutôt malmenés, sinon contrecarrés, dans ce qu'il était courant d'appeler : « La garde à vue à la française ». « Jusqu'à la réforme, explique-t-il, les policiers et les gendarmes avaient la possibilité d'entendre une personne dans des conditions pas acceptables. On vous enlevait vos lacets, votre ceinture, vous étiez dans une geôle avec juste une couverture, les odeurs… La dignité
humaine n'était pas respectée. »
Un point essentiel pour les avocats qui, aujourd'hui, se trouve réhabilités de par cette réforme : « Là où l'avocat se trouve, la dignité humaine est respectée. Il est important d'être assisté. »
Pour autant, si sur le fond cette réforme de la garde à vue est donc saluée, dans la forme, ou plus précisément dans son application, le bât blesse toujours. Provoquant non seulement de l'incompréhension mais surtout de l'inquiétude comme il l'explique : « Le barreau de Dax a choisi d'assumer ses responsabilités, mais cette réforme va demander une réorganisation complète des cabinets. »
Douze heures d'affilée…
Tout simplement, parce qu'aujourd'hui les avocats peuvent être sollicités dans les deux heures suivant la mise en garde à vue d'un prévenu. Une présence qui, lorsqu'on n'a pas le don d'ubiquité, peut vite poser problème sur le fonctionnement quotidien des cabinets.
« Il y a peu, un de nos confrères du ressort de Dax a été appelé pour une garde à vue et celle-ci a duré… douze heures. » Pour l'heure, le barreau de la cité thermale dispose d'une équipe pénale forte de 15 avocats sur la soixantaine de robes noirs recensée ici.
Une équipe qui pourrait, à l'avenir, être renforcée. Sachant que se pose aussi - et surtout - la question du financement de cette présence
des avocats dès le début des gardes à vue. « En fait, résume-t-il, la loi est applicable depuis le 15 avril, mais la loi de financement n'a toujours pas été votée. »
Résultat, les avocats ayant assisté leurs clients lors de ces gardes à vue ne savent pas s'ils seront payés, ni le montant de cette rémunération… « À ce jour, on ne sait rien, reconnaît-il. Mais cette situation ne pourra pas perdurer. »
« Mieux vaut encore ça »
Un chapitre qui se double d'une autre interrogation : que se passe-t-il lorsque le prévenu n'a pas droit à l'aide juridictionnelle ? Est-ce à dire qu'il devra payer toutes les heures de présence de son avocat ? « A priori, souligne Philippe Lalanne, le coût devrait être pris en charge par l'État, même si la personne en garde à vue n'entre pas dans les barèmes de l'aide juridictionnelle. » Toutefois, si les incertitudes accompagnant cette réforme sont légion, Philippe Lalanne est formel : « Mieux vaut encore ça que de revenir à la situation antérieure. » Quant à la collaboration entre avocats et forces de l'ordre, ces dernières ayant souvent craint que la présence des robes noires ne vienne bloquer les enquêtes, le bâtonnier estime que chacun fait au mieux. Soulignant : « Si la personne reconnaît les faits en présence de l'avocat, ses aveux deviennent inattaquables. »
Néanmoins, un problème demeure. Alors que cette réforme misait sur une diminution presque de moitié des gardes à vue, Philippe Lalanne constate « qu'il y en a toujours autant. » Si la situation devait en rester là, l'équipe pénale du barreau de Dax pourrait ne pas suffire.